Leqembi (lecanemab) contre Alzheimer : autorisé en Europe, mais pas encore remboursé en France — ce que les familles doivent savoir
En bref : Leqembi (lécanémab) est un traitement qui s’attaque à une des causes de la maladie d’Alzheimer : les dépôts d’amyloïde dans le cerveau. L’Union européenne a donné son feu vert au printemps 2025 pour les formes précoces de la maladie, avec des conditions précises sur le profil des patients. En Autriche puis en Allemagne, le médicament a commencé à être commercialisé fin août et début septembre 2025. En France, la Haute Autorité de Santé (HAS) a, début septembre, refusé l’accès précoce : il n’est donc pas remboursé à ce stade. Voici une explication simple, sans jargon, pour comprendre ce que cela change concrètement pour les patients et leurs proches.
Alzheimer en deux mots
La maladie d’Alzheimer est une atteinte progressive de la mémoire et des fonctions intellectuelles. Dans la vie de tous les jours, cela se traduit par : des oublis répétés, des difficultés à s’orienter, à gérer l’argent, à suivre une conversation, puis, plus tard, des troubles du langage et de l’autonomie. Elle touche surtout les personnes âgées, mais commence des années avant les signes visibles.
Jusqu’ici, les traitements disponibles aidaient surtout à atténuer les symptômes (mémoire, attention) sans changer clairement l’évolution de la maladie. Leqembi fait partie d’une nouvelle génération de médicaments dits « modificateurs de la maladie » qui visent la cause sous-jacente.
Qu’est-ce que Leqembi et comment agit-il ?
Leqembi est un anticorps monoclonal. Dit simplement : c’est une protéine conçue pour se fixer sur l’amyloïde (une substance qui s’accumule dans le cerveau des personnes atteintes d’Alzheimer) et aider le corps à l’éliminer. L’objectif est de ralentir la progression de la maladie lorsqu’elle est encore à un stade précoce (trouble cognitif léger ou démence légère).
Le traitement se fait par perfusions régulières à l’hôpital ou en centre spécialisé, selon un calendrier défini par le protocole européen. Ce n’est ni un « coup de jeune » instantané, ni une guérison : on parle d’un ralentissement mesuré de la dégradation des fonctions cognitives, qui peut être précieux pour gagner du temps de qualité.
Ce qu’a décidé l’Europe (et pour qui)
La Commission européenne a approuvé, le 15 avril 2025, l’usage du lecanemab chez les adultes au stade précoce d’Alzheimer, avec confirmation de la présence d’amyloïde. Particularité importante : l’autorisation européenne cible les personnes qui ne portent pas ou ne portent qu’une seule copie du gène ApoE ε4 (un marqueur génétique), en raison d’un risque d’effets indésirables plus élevé chez les porteurs de deux copies.
Avant de débuter Leqembi, le RCP (texte officiel du médicament) demande un dépistage du statut ApoE ε4 : cela aide l’équipe médicale à estimer le risque d’effets indésirables spécifiques (voir ci-dessous).
Et en France ? La HAS dit « pas d’accès précoce » pour l’instant
Le 4–9 septembre 2025, la Haute Autorité de Santé a refusé la demande d’accès précoce pour Leqembi. En pratique, cela signifie qu’il n’est pas remboursé à ce stade en France (en dehors d’éventuels cas très encadrés). Les raisons avancées : des incertitudes jugées encore trop importantes sur le rapport bénéfice/risque en vie réelle et la sécurité, notamment les événements cérébraux liés au traitement. La HAS précise aussi finement l’indication qu’elle a examinée (stade précoce confirmé, profil génétique, etc.).
Ce choix ne remet pas en cause l’autorisation européenne : il concerne le remboursement et l’organisation de l’accès en France. D’autres pays (Autriche, Allemagne) ont, eux, démarré la commercialisation dès la fin août / début septembre 2025.
Quels sont les effets indésirables à connaître ?
La tolérance fait l’objet d’une attention particulière. Le gros point de vigilance avec les anticorps anti-amyloïde (et donc Leqembi) s’appelle ARIA (Anomalies à l’IRM liées à l’amyloïde) — des œdèmes (ARIA-E) ou de petites hémorragies (ARIA-H) dans le cerveau, le plus souvent détectées à l’IRM et parfois accompagnées de maux de tête, confusion, nausées, vertiges. Les porteurs du gène ApoE ε4, surtout homozygotes (deux copies), ont un risque plus élevé. C’est pour cela que le test génétique est recommandé avant de commencer.
D’autres effets indésirables existent (réactions liées à la perfusion, céphalées). L’équipe médicale surveille ces signes de près et adapte la dose ou interrompt le traitement si nécessaire. La fiche EMA et la notice détaillent la fréquence de ces événements.
Concrètement, qui pourrait en bénéficier ?
- Personnes avec un diagnostic confirmé d’Alzheimer au stade précoce (trouble cognitif léger ou démence légère) et confirmation d’une pathologie amyloïde (par ponction lombaire ou imagerie).
- Patients non porteurs du gène ApoE ε4 ou hétérozygotes (une seule copie), après discussion détaillée des bénéfices/risques et consentement éclairé.
- Familles pouvant s’organiser pour des perfusion(s) régulières et des IRM de suivi au début du traitement (surveillance ARIA).
Le médecin spécialiste (neurologue, consultation mémoire, centre expert) est la porte d’entrée pour évaluer l’éligibilité, expliquer clairement les bénéfices attendus (ralentissement, pas guérison) et organiser la surveillance.
Pourquoi la décision française diffère-t-elle ?
Chaque pays évalue, en plus de l’efficacité et de la sécurité, des questions d’organisation (capacité des centres à perfuser et suivre), de coût (budget public) et de priorisation. La HAS a jugé qu’au moment de sa décision, l’accès précoce n’était pas justifié, en attendant davantage de garanties. Elle peut réexaminer sa position plus tard si de nouvelles données arrivent ou si un cadre plus robuste se met en place.
Où en est la mise à disposition dans l’UE ?
Après l’approbation européenne, le laboratoire a annoncé un démarrage en Autriche (25 août 2025) puis en Allemagne (1er septembre 2025), avec un déploiement progressif dans d’autres pays. Les calendriers exacts dépendent des décisions de remboursement nationales et de l’organisation des centres.
Ce que cela change pour les patients en France (tout de suite)
- Pas de remboursement pour l’instant : Leqembi n’est pas accessible via l’accès précoce. Les familles intéressées doivent en discuter avec un centre mémoire pour connaître d’éventuelles possibilités dans le cadre de protocoles ou d’essais (le cas échéant).
- Suivi habituel maintenu : bilan mémoire régulier, rééducation cognitive, gestion des troubles du comportement, soutien aux aidants, prévention des chutes, adaptation du domicile.
- Rester informé : la décision de la HAS pourra évoluer. Les associations de patients et fondations communiquent sur les avancées et les possibilités concrètes pour les familles.
Questions fréquentes
Leqembi guérit-il Alzheimer ?
Non. Il ralentit l’évolution de la maladie chez certains patients au stade précoce, mais ne la guérit pas. L’effet est modeste mais peut être important pour gagner du temps d’autonomie et de qualité de vie.
Pourquoi parler du gène ApoE ε4 ?
Parce que les personnes avec deux copies de ce gène ont un risque plus élevé de complications cérébrales (ARIA). L’Europe a donc limité l’indication aux non-porteurs et aux porteurs d’une seule copie. Un test est recommandé avant de commencer pour mieux évaluer ce risque.
Quels examens de suivi sont nécessaires ?
Au début, des IRM sont généralement programmées pour dépister rapidement une ARIA (souvent silencieuse). Le planning précis est fixé par l’équipe soignante.
Pourquoi l’Autriche et l’Allemagne l’ont déjà lancé ?
Parce que chaque pays décide de ses modalités de remboursement et de mise à disposition. Ces deux pays ont ouvert l’accès en 2025, alors que la France a refusé l’accès précoce pour l’instant.
Quelles alternatives aujourd’hui ?
Un parcours de soins complet reste essentiel : médicaments symptomatiques si indiqués, prise en charge non médicamenteuse (stimulation cognitive, activité physique adaptée, diététique), soutien aux aidants, aménagement du domicile, prévention des complications. Le neurologue vous aidera à prioriser ce qui apporte le plus dans votre situation.
Conseils pratiques pour les proches (aidants)
- Centraliser les infos : gardez un dossier (papier/numérique) avec comptes rendus, bilans, ordonnances, coordonnées du centre mémoire.
- Planifier : fixez les rendez-vous à l’avance, notez les symptômes ou changements observés entre deux consultations.
- Aménager le quotidien : routines simples, repères visuels à la maison, pilulier, aide pour les démarches administratives.
- Préserver le lien social : activités adaptées (musique, promenade), visites courtes mais régulières.
- Penser à vous : l’épuisement de l’aidant est fréquent. Demandez du relais (famille, associations, structures locales).
Comparaison rapide avec d’autres pays et thérapies
Aux États-Unis, au Japon, au Royaume-Uni et dans plusieurs pays, Leqembi est autorisé avec des cadres de surveillance. L’Europe a, de son côté, refusé en 2025 l’autre anticorps de la même famille (donanemab/Kisunla) pour un rapport bénéfice/risque jugé insuffisant à ce stade. Cela montre une ligne européenne prudente sur ces traitements : oui pour Leqembi dans un profil précis et avec un suivi étroit, non pour donanemab tant que les garanties ne sont pas jugées suffisantes.
Ce qu’il faut retenir
- Leqembi est la première thérapie approuvée dans l’UE qui cible une cause d’Alzheimer et peut ralentir la maladie au stade précoce.
- L’UE limite son usage aux patients sans ou avec une seule copie du gène ApoE ε4, et demande un test avant traitement.
- En France, la HAS a refusé l’accès précoce début septembre 2025 : pas de remboursement pour l’instant.
- En Autriche et en Allemagne, la mise à disposition a commencé fin août / début septembre 2025.
- Des effets indésirables spécifiques (ARIA) nécessitent une surveillance par IRM, surtout chez certains profils génétiques.
Note : ces informations sont générales et ne remplacent pas l’avis d’un médecin. Parlez toujours avec votre spécialiste pour une décision adaptée à votre situation.
Ressources utiles
- Fiche EMA (EPAR) sur Leqembi: indication, sécurité, questions/réponses.
- Annonce de la Commission européenne (15 avril 2025).
- Communiqués de lancement en Autriche/Allemagne (août 2025).
- Décision HAS (septembre 2025) — refus d’accès précoce.
- Contexte « progrès et prudence » en Europe (décisions récentes, y compris sur donanemab).